mardi 4 août 2015

Cuba -- ses garçons splendides et son désastre apocalyptique...



"Aucune annexion yankee n'arrêtera notre révolution"
Cet été je bois des Cuba libre dans l'espoir de voir évoluer la situation politique et économique de cette île fascinante. Composé de rhum Havana Club, de cola et citron vert, le cocktail date de la fin de la colonisation espagnole en 1900. Aujourd'hui, les Cubains le surnomment le petit mensonge, mentirita. Pourtant, la levée de l'embargo à l'horizon (et, on l'espère, la fermeture de la base navale et du camp de détention de Guantanmo où les Américains s'adonnent à la torture) ne marqueront pas la fin des problèmes qui se sont développés sous le régime castriste. Ce sera le début d'une autre avalanche, l'invasion des Américains et de leurs foutus franchisés en malbouffe, fringues, portables, politique, pornographie et bigoterie. Putain de merde !



De g. à dr.: Cristobal a suivi les cours d'une école d'art; il est tatoueur, activité en voie de devenir légale, mais n'arrive pas à importer le matériel ni les encres; Javier est gardien au Lycée français; Ernesto aimerait étudier l'histoire de l'art, mais ses parents (tous les deux ont un emploi) ne pourraient pas lui payer des études. (Photos d'Edu Bayer pour foreignpolicy.com)

"Cuba est un désastre magnifique," résume Kevin Slack, le photographe des beaux garçons. Il ajoute que chaque fois qu'il y retourne, il imagine que la situation ne pourra pas être pire que ce qu'il a déjà vu. Pourtant oui, cela a encore empiré. Il pense que Castro aime son pays, mais que sa Révolution n'est qu'un acte de défi, pas d'action. À Cuba on a peur du changement, dit-il. Le type de contrôle policier exercé sur la population est terrifiant. Sans compter la censure et une pauvreté inimaginable. "Resolviendo, c'est plus qu'un mot, c'est un mode de vie à Cuba où tout est recyclé, réutilisé, rénové, retravaillé, modifié; où les objets, comme les espoirs et les vies subissent une extension, une prolongation, un étirement, un remaniement au-delà de toute imagination," selon le photographe.

"Études, travail, fusil."

Afin d'illustrer ce propos de manière légère, voici l'histoire véridique de Coppelia, la cathédrale de la crème glacée gérée par l'État. En 1966, pour incarner l'idéal révolutionnaire cubain et surpasser les réalisations américaines, Fidel Castro fait venir 28 conteneurs d'ice-cream du Canada et déguste tous les parfums inimaginables. Il en retient vingt-six que son peuple bien aimé pourra consommer à très bas prix dans l'établissement... "Il s'est arrêté à ma table et a murmuré 'Vous permettez ?' s'installant sans attendre sur l'autre siège, entouré des tous ses sacs, parapluies, rouleaux de papier et l'assiette de crème glacée. Je l'ai regardé; pas besoin d'être un génie pour savoir à quelle équipe il appartenait parce que, quoi qu'il en soit, et bien que le chocolat soit aussi disponible, il avait commandé la fraise." C'est le début d'une nouvelle de Senel Paz qui a inspiré Fresa y chocolate sorti en 1994. Le film est à ce jour le plus grand succès cinématographique international de Cuba. La bande annonce (sur Allociné) le résume parfaitement et nous rappelle qu'il comporte lui aussi cette répartie sublime: "Personne n'est parfait".

Bâtisse des années 1970, influence soviétique.

Eaux polluées, interdiction de nager, le flic verbalise.
La scène a été tournée sur la terrasse du Coppelia qui est devenu un lieu de drague discret pour les gays, fort maltraités à Cuba. Donc, au contraire de Diego dans le film, pas de signe extérieur visible, juste le choix du parfum pour indiquer le type de rencontre espéré... Aujourd'hui, la carte des glaces se limite au parfum du jour vu les difficultés d'approvisionnement. Mais lorsqu'il fait beau, la file d'attente se mesure en une à deux heures. Tout cela changera lorsque les Yankees auront reconquis le pays. Une pauvreté et une inégalité différentes s'installeront; on ravalera les façades, les Cubains les plus malins deviendront richissimes et le charme vieillot des voitures et des rues aura disparu.

André





Photos de Kevin Slack.

6 commentaires:

renepaulhenry a dit…

Cuba n'est pas un "désastre magnifique" pour tous : http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/les-luxueuses-vacances-du-fils-de-fidel-castro-en-mediterranee_1694751.html

André a dit…

René-Paul: expression méthodique du vide. Sur ta copie, l'institutrice aurait inscrit: hors sujet.

Xersex a dit…

Je ne pense pas que personne peut nier la pauvreté à Cuba, mais espérons que on ouvre maintenant une autre époque. cela dit, les images érotiques et non, sont indubitablement pleines de poésie et de beauté!

clodoweg a dit…

Jolis garçons ces cubains, le métissage donne souvent d'excellents résultats.
Espérons que Cuba ne suive pas l'exemple de la chine qui cumule les défauts de la dictature et ceux du Libéralisme.

Anonyme a dit…

Bonsoir André,
Voilà quelques mois que j'ai découvert ton blog par hasard et après des visites de loin en loin, j'attends maintenant avec impatience le nouveau dossier à paraître tous les trois jours.
Quel bonheur ce dossier sur Cuba ! comme les photos sont belles ! comme ces garçons sont attachants !
Je suis passé au "Cuba Libre" aujourd'hui et rêve déjà d'aller leur rendre visite.
Merci pour tous ces thèmes que tu abordes avec beaucoup de tact, thèmes toujours renouvelés et souvent inattendus.
Gérard, un Parisien... et fidèle lecteur

Nicolas F a dit…

Bonjour,

Ayant passé plusieurs longs séjours à Cuba dans ma belle-famille, toujours en dehors des circuits touristiques en vivant chez l'habitant, je ne saurais être aussi catégorique que vous dans la description du cauchemar cubain. Certes, de nombreux articles courants manquent ou voient leur valeur marchande être en totale contradiction avec le pouvoir d'achat réel de la majorité de la population, mais chacun parvient à se les procurer d'une manière ou d'une autre, le troc étant largement répandu. Pourtant, nombreux sont ceux à demeurer parfaitement conscients des ravages de la mondialisation, de la perte d'indépendance et d'identité qu'il en résulterait.
Le régime, bien que excessivement verrouillé politiquement, n'est plus la dictature policière d'il y a dix ans. Sans connaître de changement majeurs, il existe pourtant de nettes améliorations; mes beaux-parents ont pu demander, et se voir octroyer, un passeport et venir en voyage en Suisse sans être inquiéter à leur retour.
La situation des gays, bien que sensible, n'est plus l'omerta que certains se plaisent à décrire. La prévention des MST progresse et même s'il n'y a pas de reconnaissance légale, il n'y a pas non plus de chasse aux sorcières, même les plages ouvertement gays ne se voient pas victimes de harcèlement policier, excepté concernant la prostitution.
Le système de santé demeure, ici encore malgré les restrictions d'approvisionnement, toujours aussi efficace, bien qu’extrêmement couteux à conserver. Tous ceux ici ayant une fois fréquenté les urgences d'un hôpital suisse pourront témoigner de l'attente parfois très longue à laquelle nous pouvons être confrontés...
Je ne vais pas citer tout ce que j'ai vu, ou non, là n'est pas le lieu de le faire, mais je précise tout de même que je ne suis pas subventionné par la République socialiste.... ;-)

Nicolas