mercredi 7 janvier 2015

"Timbuktu" : l'irruption des djihadistes dans une ville du Mali


Un Touareg perd sa vache nommée GPS, début d'un engrenage fatal.
Au sud du Sahara, la ville de Tombouctou a connu une renommée internationale entre le 15e et le 17e siècle. Située au bord du fleuve Niger dans l'actuel Mali, elle détenait une position stratégique dans les échanges commerciaux. Et son université attirait des milliers d'étudiants. Les familles les plus riches possédaient des manuscrits savants rédigés en arabe et en langue peul, traitant des arts, de la religion et de toutes les sciences de l'époque. L'architecture de la ville était prodigieuse. Dans ma jeunesse, j'avais décidé de me rendre à Tombouctou (et Zanzibar) avant l'âge de 30 ans. J'ai tenu mon pari et reviendrai sur ce sujet dans un autre billet.

Tombouctou avant l'irruption des djihadistes.

Le fleuve Niger.
En 2012 des djihadistes ont envahi le nord du Mali mettant Tombouctou à feu et à sang, imposant la charia. Que reste-t-il des richesses historiques? Timbuktu, le film splendide d'Abderrahmane Sissako montre un autre aspect de cette prise de pouvoir, la répression que subissent les habitants. Un exemple ahurissant: très populaire au Mali, le foot est désormais interdit. On voit donc des jeunes mecs s'y adonner avec passion, pieds nus dans le sable et sans ballon. En les regardant évoluer à la poursuite de l'invisible, on comprend combien le dogmatisme religieux et la dictature politique les privent de leur liberté créatrice. "On ne peut pas parler de la barbarie sans espérer," déclare le réalisateur.

Ils surveillent tout le monde.

Les enfants aussi perdent leur joie de vivre.
La musique aussi est interdite, comme les écarts vestimentaires. Les tribunaux sont expéditifs, les punitions le fouet ou la lapidation en public. Le film alterne entre les moments de beauté ou d'humour et la résistance à l'oppresseur. Une prêtresse insoumise entraîne un envahisseur dans une danse vaudou. Une vendeuse de poisson refuse de porter les gants imposés à toutes les femmes. Un imam qui aspire à la paix explique l'enseignement du Coran et sa vision pacifiste à des islamistes désorientés. Une vache nommée GPS perd le nord et entraîne son propriétaire touareg dans un drame qui le dépasse.

Soixante coups de fouet.

La prêtresse vaudou.
En filigrane, le film nous fait comprendre combien l'Occident s'est trompé de combat en jetant de l'huile sur un feu qui n'a fait que grandir depuis le pernicieux 11 septembre. Les Américains et leurs alliés ont entrepris la stigmatisation d'une religion et de ses croyants sans comprendre qu'ils étaient eux aussi à la merci de groupes qui instrumentalisent la foi. Tout cela nous a menés à la catastrophe actuelle. On devrait livrer baby Bush et son caniche Blair à un tribunal de guerre.

"Je ne mettrai pas les gants, coupez mes deux mains si vous voulez."
Et si l'on regarde du côté des "christianistes" -- particulièrement aux États-Unis -- ils sont en train de détruire leur propre pays en ayant pris en otage l'extrême droite du parti républicain. Le but de ces intégristes (catholiques et protestants dits "évangéliques") est le même que celui des islamistes: instaurer une charia chrétienne. S'ils arrivent au pouvoir, nous verrons "l'apocalypse" de nos propres yeux: une guerre au finish entre ces deux camps si semblables... Mais Abderrahmane Sissako, réalisateur de Timbuktu, déclarait récemment: "L'être humain est fondamentalement capable de résister et j'estime qu'il faut y croire."

André

Les toits de Tombouctou.

Sa famille possède 22'000 manuscrits.

5 commentaires:

Xersex a dit…

quelle tristesse angoissante!

Ofye a dit…

Bravo André pour cette présensation du film "Timbuktu" et pour ton commentaire judicieux sur tous les fanatiques qui nous menacent.
Bisous, Guy.

Escaravello a dit…

Ohayo Socrate-sama !

L’Afrique ressemble à une partie d’échec :

Kadhafi est tombé, mais ça a favorisé l’armement des milices au nord du Tchad …je ne serais pas étonné que ces mêmes milices se retrouvent actuellement au Mali.

Nigéria, Soudan et Ethopie : Lutte pour le pouvoir entre islam et chrétien

Ouganda : Avec la poussée des évangélistes (financé par les USA) on s’achemine vers la peine de mort pour toutes personnes soupçonnées d’homosexualité.

Et je met sous le tapis : la fièvre Ebola et se flot d’émigration qui escaladent les grillages ou qui débarquent sur les plages de Lampedusa en bateau.

Malheureusement je n’ai pas vu le film : Timbuktu (Abderrahmane Sissako) …hier soir j’ai regardé : Yossi (Eytan Fox) que j’ai trouvé très sympa :-)

Tombouctou …Zanzibar ..sont des noms qui me berçaient dans la rêverie dans mon enfance, ces villes m’évoquaient le mystère et l’aventure.

Mais maintenant elles ne m’inspirent plus aucun désir …

Peut-être Maître Socrate-sama, je devrais m'inscrire à des cours de Yoga ...pour devenir zen ?

Dommage pour le poète Tous les cris, les SOS se sont perdu, et Pour la femme veuve qui s’éveille … faut-il Vivre ou survivre !?.....mais malheureusement La vie ne m’apprend rien !

André a dit…

Lajiao! Tu cours, tu cours dans ta tête et tu te poses de vraies et enrichissantes questions. Tu vas devenir zen sans t'en rendre compte, naturellement. Bien sûr, le yoga peut y contribuer.

Un détail: un "évangéliste" est un prédicateur itinérant; les "évangéliques" sont des fondamentalistes protestants qui penchent de plus en plus vers l'intégrisme.

Escaravello a dit…

Merci Socrate-sama de m'avoir étiré l'attention sur ma méprise...mais quel coïncidence !

Maintenant c’est la France qui est touchée dans son coeur (charlie hebdo)...le virus se propage