samedi 28 septembre 2013

Tempête gay dans un plat de pâtes italien: la riposte


Ainsi donc Guido Barilla, baron de la pasta italienne, a déclaré à Radio 24 qui lui demandait pourquoi sa compagnie ne s'adressait jamais aux gays dans sa publicité: "Pour nous, la famille traditionnelle demeure au coeur de nos valeurs. [...] Si les gays aiment nos pâtes et nos pubs, ils mangeront notre pasta; sinon, ils choisiront celle d'un autre. On ne peut pas plaire à tout le monde pour ne déplaire à personne. Je ne ferai jamais un spot mettant en scène une famille homosexuelle, non par manque de respect envers les homosexuels -- qui ont le droit de faire tout ce qu'ils aiment sans déranger les autres -- mais parce [...] nous voulons nous adresser à la famille traditionnelle. Les femmes sont au coeur de cela."

Boycott? La guerre dans les cuisines.
Il a ajouté: "Je respecte l'union entre personnes du même sexe car cela concerne des gens qui veulent contracter un mariage, mais je suis contre l'adoption par des familles gay, parce que cela concerne une personne qui n'a pas le pouvoir de décider."

Guido Barilla a le droit de s'exprimer ainsi, que ce soit pour des raisons commerciales ou par conviction personnelle. Cela fait partie de sa et de notre liberté d'expression. Ceux qui ont poussé des cris d'orfraie en appelant au boycott feraient mieux d'utiliser leur temps à lutter en faveur de causes plus urgentes, ou à lire un livre passionnant, à reposer leur tête agitée, baiser nonchalamment. Je relève néanmoins le sans déranger les autres qui nous renvoie à l'invisibilité; et cela concerne une personne qui n'a pas le pouvoir de décider qui renvoie tout aussi bien aux couples hétéros. M. Barilla a beau vendre des noeuds-paps [farfalle], il n'est pas le plus fin ni le plus actuel des penseurs italiens.

Coquilles Saint-Jacques.


Tomates-cerises.
Ses sbires de la pub, de la com et du marketing lui ont immédiatement remonté les bretelles et rédigé un twitt d'esscuses du genre mi scuso molto, ho il più profundo rispetto per tutte le persone senza distinzioni. Ze voulais simplement souligner la centralité du rôle de la Mama dans la famille. Ce qui en a offensé d'autres, désireuses de se défaire enfin du rôle castrateur de la mère italienne et devenir des femmes égales de l'homme, différentes certes, mais tout aussi indépendantes.

Les noeuds papillons.

La riposte en Allemagne.

Celle aux États-Unis.
Des marques de pâtes concurrentes ont saisi la balle au vol et immédiatement publié un message envers la communauté gay offensée. Preuve, mes chéris, que nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Mais vous en êtes partiellement responsables, mes chéris, parce que vous demandez en même temps l'égalité et un traitement spécial. Vous allez finir comme les féministes qui ont provoqué l'hostilité de leurs plus fidèles supporters avec leurs ambivalences filandreuses. Mettez un peu de muscle dans vos mollets et vos cerveaux, mes chéris, et venez manger d'extraordinaires combinaisons de pâtes, légumes et viandes dans le sud de la Suisse, au Tessin. Dégustez aussi la polenta de maïs cuite au feu de cheminée, avec des champignons de la région ou de la chevrette grillée. Et fuck the pizza!

André

Fuck the pizza!

Tessin: Lavertezzo au val Verzasca.

Pastèque juteuse au dessert, voire plus.

mercredi 25 septembre 2013

La part homosexuelle de Gustave Flaubert dans "Salammbô"

Tout le  monde connaît cette citation de Flaubert: "Madame Bovary, c'est moi", mais pas sa remarque collatérale: "Il y a des jours où j'aimerais être femme". À l'âge de 16 ans, Gustave note: "Bandaison dans la culotte pour le beau Morel. Intensité lubrique, masturbation réciproque avec Morel." Des jeux d'ado? Non.

Il a peu connu de femmes durant sa vie, si ce n'est des pensionnaires de bordel. En revanche, il se lie sentimentalement et sexuellement avec plusieurs hommes. Son ami Alfred Le Poitevin lui écrit: "Je t'embrasse le Priape en te socratisant. Je viendrai te voir sans faute lundi vers une heure. Bandes-tu?" Avec un autre compère, Maxime Du Camp, Flaubert échange une bague sur laquelle leurs noms sont entrelacés. Ensemble, ils entreprennent un voyage au Proche-Orient de 1849 à 1851 durant lequel Gustave amasse de la documentation pour Salammbô. À son autre grand ami Louis Bouilhet, il écrit du Caire: "J'ai reçu ta bonne lettre tant désirée, elle m'a remué les entrailles, j'ai mouillé." Il conclut: "Nous t'embrassons, pioche raide!"

Flaubert décrit ses aventures au hammam. "Tous les garçons de bain sont bardaches [invertis]. Les derniers masseurs, ceux qui viennent vous frotter quand tout est fini sont ordinairement de jeunes garçons assez gentils." "Ce jour-là, mon Kellak me frottait doucement quand, étant arrivé aux parties nobles, il a retroussé mes boules d'amour pour me les nettoyer, puis continuant à me frotter la poitrine de la main gauche il s'est mis à tirer sur mon vit et, le polluant par un mouvement de traction, s'est penché sur mon épaule en me répétant: bakchich, bakchich..." "À propos, tu me demandes si j'ai consommé l'oeuvre des bains. Oui, et sur un jeune gaillard gravé de la petite vérole et qui avait un énorme turban blanc. Cela m'a fait rire, voilà tout. Mais je recommencerai. Pour qu'une expérience soit bien faite, il faut qu'elle soit réitérée."

Dans Salammbô (1862), Flaubert décrit une guerre du IIIe s. av. J.-C. qui opposa la ville de Carthage à des Mercenaires révoltés. Au chap. 14, Hamilcar tend un piège aux mercenaires qui meurent de faim; ceux qui s'en sortent sont écrasés par une charge d'éléphants. Hamilcar force les derniers survivants à s'entretuer pour divertir ses troupes tout en les frappant de terreur.

"Ils reportaient sur un compagnon leur besoin de tendresse"

"Autharite [le Mercenaire] ne craignait pas de se montrer. [...] Balançant ses lourdes épaules couvertes de fourrures, il rappelait à ses compagnons un ours qui sort de sa caverne, au printemps, pour voir si les neiges sont fondues. [...] Le soir du neuvième jour, trois Ibériens moururent. On les dépouilla; et ces corps nus et blancs restèrent sur le sable, au soleil. Alors des Garamantes se mirent lentement à rôder tout autour [...] et se baissant vers les cadavres, avec leurs couteaux, ils en prirent des lanières; puis, accroupis sur les talons, ils mangeaient." Hamilcar feint de vouloir engager des Mercenaires. "Comme il lui fallait des hommes et qu'il ne savait par quel moyen choisir les bons, ils allaient se combattre à outrance; puis il admettrait les vainqueurs dans sa garde particulière. [..] Les Barbares s'entre-regardèrent silencieusement. Ce n'était pas la mort qui les faisait pâlir, mais l'horrible contrainte où ils se trouvaient réduits."





"La communauté de leur existence avait établi entre ces hommes des amitiés profondes. Le camp, pour la plupart, remplaçait la patrie; vivant sans famille, ils reportaient sur un compagnon leur besoin de tendresse, et l'on s'endormait côte à côte, sous le même manteau, à la clarté des étoiles. Puis, dans ce vagabondage perpétuel à travers toutes sortes de pays, de meurtres et d'aventures, il s'était formé d'étranges amours -- unions obscènes aussi sérieuses que des mariages, où le plus fort défendait le plus jeune au milieu des batailles, l'aidait à franchir les précipices, épongeait sur son front la sueur des fièvres, volait pour lui de la nourriture; et l'autre, enfant ramassé au bord d'une route, puis devenu Mercenaire, payait ce dévouement par mille soins délicats et des complaisances d'épouse."



"Ils échangèrent leurs colliers et leurs pendants d'oreilles, cadeaux qu'ils s'étaient faits autrefois après un grand péril, dans des heures d'ivresse. Tous demandaient à mourir, et aucun ne voulait frapper. On en voyait un jeune, çà et là, qui disait à un autre dont la barbe était grise: "Non! non, tu es le plus robuste! Tu nous vengeras, tue-moi!" et l'homme répondait: "J'ai moins d'années à vivre! Frappe au coeur, et n'y pense plus! Les frères se contemplaient, les deux mains serrées, et l'amant faisait à son amant des adieux éternels, debout, en pleurant sur son épaule. Ils retirèrent leurs cuirasses pour que la pointe des glaives s'enfonçât plus vite. [...] Parfois deux hommes s'arrêtaient tout sanglants, tombaient dans les bras l'un de l'autre et mouraient en se donnant des baisers." 

André