lundi 25 novembre 2013

Autoportrait ensorcellé de Egon Schiele chatouillant ses roustons

 
L'oeuvre du peintre autrichien Egon Schiele nous invite à une vigoureuse réflexion sur le rapport d'un homme à son propre corps, au corps d'autres hommes et à celui de la femme. Rien à voir avec la peinture traditionnelle qui fige de belles formes dans des décors idéalisés. Chez lui, les femmes n'hésitent pas à exposer leur sexe, voire à en écarter les lèvres. Ou à prendre en main le membre irrigué de l'homme comme dans L'hostie rouge. Les gars à poil se présentent de face et de dos, leurs grelots bien en évidence.

Schiele nous a laissé plus d'une centaine d'autoportraits, dévêtus pour la plupart. Que nous disent-ils? En tous cas pas: voyez comme je suis beau, ou solide, ou inspiré. D'un tableau à l'autre la question demeure, qui suis-je? comment se fait-il que je sois (encore) en vie? Le peintre apparaît sous toutes sortes d'identités -- de saint Sébastien à Éros --, il a les bras levés, les doigts écartés, la main sur la joue ou sur le sexe; et lorsqu'il bande, qu'il se masturbe, ce n'est pas pour exhiber sa grosse teub rouge. Il se situe devant le miroir de ses sentiments les plus intimes, de ses tortures intérieures. Et son désespoir dégage une sorte de séduction, un appel au secours. Secours qui serait refusé si par mégarde on y répondait.






Fascination narcissique, attirance homosexuelle et ensorcellement hétéro se font écho et j'imagine que leur résonance dans sa tête crée une overdose, animant sa créativité tout en la menaçant. On dit qu'il ne passait jamais devant un miroir sans s'y arrêter pour y trouver son reflet. Dans ses déplacements, il en emportait un qui avait appartenu à sa mère. Analyse psy: cela résulterait d'un désordre narcissique généralement diagnostiqué chez des sujets qui ont souffert de rapports insuffisants avec leur mère durant la petite enfance... Mais que comprennent les psys à la créativité, eux qui travaillent sur la suspicion?





En 1911, année où il se peint en train de se briquer, Schiele rencontre Wally qui deviendra son modèle et restera sa compagne durant deux ans. Ils s'installent à Krumlov, en Bohême, où la ville met un vaste atelier à sa disposition. Mais les sujets pour le moins inhabituels de ses toiles irritent les habitants. Egon et Wally s'installent près de Vienne. L'accueil n'est pas plus chaleureux. Schiele est arrêté sur un soupçon de détournement de mineurs auquel s'ajoute l'érotisme incompréhensible de sa peinture. Il passe 21 jours en détention préventive, est jugé pour outrage à la morale publique et condamné à trois jours supplémentaires à l'ombre. Le détournement n'est pas prouvé. Le tribunal confisque une centaine de tableaux, des nus pour la plupart. Et nous, bien installés devant notre écran, nous admirons son travail, même s'il n'est pas facile à assimiler.

André




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