lundi 30 novembre 2009

Le voile de l'ignorance est tombé sur la Suisse


A
insi donc, le peuple de veaux auquel j'appartiens -- cette bande de cloches qui tient à ses clochers comme les vieilles couilles pendent à leur prostate -- a voté contre l'érection de nouveaux minarets. Comme le clamait hier un Kabarettist autrichien, les Suisses ont réussi l'exploit de rester neutres dans les conflits mondiaux tout en comptant quand même des criminels de guerre. "Et le parti populiste de l'UDC nous envie encore Jörg Haider, pour son charme masculin irrésistible et son amour de la musique alpestre." Typique suisse: on veut bien des mosquées, mais rien qui dépasse. On veut bien, mais faudrait pas exagérer quand même... Du reste, L'Union démocratique fédérale, le parti des "valeurs chrétiennes, valeurs d'avenir", nous a tous rassurés: "Les minarets sont superflus à l'exercice de l'Islam". La même UDF nous avait prévenus, en 2005, que la légitimation du partenariat enregistré entraînerait "la banalisation de l'homosexualité" et qu'il fallait "préserver l'institution du mariage". Pourquoi? Parce que, "contrairement à ce que certains croient, le mariage a encore de beaux
jours devant lui."

Cela fait de nombreuses années que les citoyens suisses perdent un pan après l'autre de leurs illusions sur la l'efficacité de leurs entrepreneurs et de leurs dirigeants. Et se demandent: y a-t-il un pilote à bord? Ou plutôt: qu'est-ce qu'y foutent dans le cockpit? Alors: les minarets, c'est juste une manière d'exprimer notre mauvaise humeur. On s'escuse qu'ça tombe sur vous, faut pas trop nous en vouloir...

Les femmes et les hommes qui se sont installés dans les cabines de pilotage, dans les conseils des entreprises et des banques, dans les intendances gouvernementales, ils sont tous taillés dans le même bois que le reste de la population. Médiocres, myopes, pressés et paresseux comme des lavements, ne prenant pas le temps d'exercer un esprit prospectif, rongés de petites rognes les uns contre les autres. Et surtout: incapables de comprendre que la générosité (de pensée et d'action) multiplie les bénéfices pour chacun. C'est comme ça!

Dans le numéro d'automne d'Hétérographe, "revue des homolittératures ou pas" [cliquez!], Maxime Cervulle qui vient de traduire le livre clé d'Eve Kosofsky Sedgwick Épistémologie du placard [cliquez!] parle de cette grande penseuse du queer. Il écrit: "Le bal de l'ignorance, où les mensonges par omission sont cousus main, apparaissait parfois sous sa plume tel un mode de légitimation informel de la violence sociale: lorsque le voile de l'inconnaissance sert à fermer les yeux sur les formes ordinaires de l'homophobie, du sexisme, de l'antisémitisme ou du racisme. Elle parlait ainsi d'un privilège de l'ignorance pour désigner l'acceptation tacite de la reconduction des processus d'oppression."

Ulysse

samedi 28 novembre 2009

"La honte de faire souffrir ma famille, la peur d'être abandonné"


C'
est une lettre reprise sur plusieurs sites alémaniques et allemands; je n'en ai pas trouvé la source, mais la traduis.


"J'ai bientôt seize ans et je me demande si cela vaut la peine de vivre. J'ai trouvé votre blogue qui me donne espoir, alors je vous écris. Ma famille appartient à l'église pentecôtiste et j'ai la foi, mais je ne supporte plus d'aller au culte et d'entendre que j'irai en enfer pour une chose dont je me sens pas responsable. J'avais préparé ma lettre de suicide dans ma tête pour leur dire que je les aimais tous, mais que c'était trop difficile, et je voulais prendre des somnifères quand j'ai trouvé votre blogue. J'ai lu que vous aussi vous avez passé de mauvais moments dans votre jeunesse, et
les commentaires de certains de vos lecteurs qui ont été maltraités durant leur enfance. Après avoir subi ces difficultés ils ont quand même une vie d'adultes satisfaisante et épanouie.

"Ils me jetteront dehors."
"Je sais que je suis différent des autres gens dans ma famille et mon église. Cela ne me dérange pas. Je suis comme je suis. Je crois maintenant puisque vous l'écrivez qu'on peut trouver quelqu'un avec qui on s'entend et qu'on peut aimer. Mais le problème c'est ma famille. Je ne vois pas comment je pourrais vivre sans eux. Et je sais que si je leur dis la vérité me concernant, ils penseront que je suis du diable et ils me jetteront dehors et ne me parleront plus jamais, sauf peut-être ma soeur la plus proche. Je suis le septième et nous sommes une famille unie. Mais j'ai entendu mon père dire un jour: "J'ai traversé bien des choses avec l'aide du Seigneur, mais si je découvrais qu'un de mes fils était un homo je ne pourrais pas le supporter à cause de la honte". Cela m'a brisé le coeur. Et puis j'ai cherché sur internet. Mais ce que je lisais et voyais me faisait peur, c'est pas ça que je veux pour ma vie. D'où l'idée de mourir pour que je trouve enfin le repos. Jusqu'au jour où je suis tombé sur votre blogue où vous parlez de votre jeunesse difficile et comment vous vous en êtes sorti.

"Maintenant j'ai comme un espoir qu'un jour je n'aurai plus la honte de faire souffrir ma famille ni la peur d'être abandonné. Pouvez-vous me faire un mail pour me donner des conseils sur mes problèmes?"

jeudi 26 novembre 2009

L'amitié à l'épreuve de la sexualité


L'
amitié -- et seulement elle -- entre une femme et un homme hétéros est-elle possible? La met-on en péril si l'on passe à l'acte sexuel? Et qu'en est-il entre deux mecs, l'un gay et l'autre hétéro? Ce cas -- avec quelques complications en cours de route -- est discuté dans le courrier de Savage Love cette semaine.

--Q
uestion.
"Je suis un hétéro de 29 ans. Depuis l'année dernière, j'ai un ami très proche, même tranche d'âge, qui est gay. Cela colle parfaitement entre nous, j'apprécie beaucoup son amitié. Il y a quatre mois, il m'a dit qu'il était tombé amoureux de moi et qu'il avait besoin de prendre de la distance pour conserver notre amitié. Pendant deux mois, nous ne nous sommes vus qu'en présence d'amis communs. Puis nous avons repris nos habitudes et il me semble de nouveau à l'aise avec moi. Mais maintenant j'ai envie de lui sexuellement! Je n'ai jamais couché avec un homme et je suis très attiré pa
r les femmes, pourtant ce nouveau sentiment ne me gêne pas... J'envisage de lui proposer l'expérience; je crois qu'il accepterait... Une relation amoureuse qui se prolongerait ne m'intéresse pas; je l'aime comme ami et je ne voudrais pas le perdre. Est-ce qu'un plan d'un soir nous rapprocherait, ou cela va-t-il détruire notre amitié? Il est le seul gars à m'avoir attiré, j'ai très envie d'essayer."

Wes Hempel (Etats-Unis):
Study for Morality Play.
--Réponse. "Alors que vous êtes prêt à tenter une expérience sans suite, votre ami préférerait, j'imagine, entretenir une relation romantique suivie avec un mec. Et comme c'est impossible avec vous (vous n'allez pas "l'épouser") il se pourrait qu'il hésite à vous la mettre au cul. Vous baiser raviverait des sentiments qu'il s'est efforcé d'oublier pour sauver votre belle amitié virile. Et lorsque l'inévitable se produira, lorsque vous vous mettrez en ménage avec une femme, ne se sentirait-il pas encore plus mis à l'écart?

"Ceci dit, je vous fais une confidence. Nous, les gay, nous sommes des hommes, des vrais comme les hétéros. Nous sommes capables de baiser sans nous attacher -- même un peu trop doués dans ce domaine -- et un célibataire gay, comme un hétéro, passe rarement à côté d'une bonne occasion, même s'il aurait envie de plus que ce que cette personne ne peut lui offrir. Dans un seul domaine, les gay surpassent à coup sûr les hétéros (à part les pipes profondes): nous restons amis avec nos ex, avec nos conquêtes d'un soir, nos copains de baise, et tous les autres... Communiquez votre envie à votre ami et voyez ce qu'il en dit. Vous êtes restés amis lorsqu'il vous a fait part de son attirance envers vous; alors, pourquoi pas quand vous lui avouerez votre désir."

Quelle est votre opinion, lecteur? Votre expérience? N'est-ce pas manquer d'égard envers celui qui est tombé amoureux? Ou, au contraire, faire preuve d'une "amitié virile", franche et à toutes épreuves?

Ulysse

lundi 23 novembre 2009

Pourquoi dit-on une barbe et un sein?


Copier-coller: Adrian et Joris Conquet,
acteurs et athlètes. L'un est gay, l'autre hétéro.
Lequel? Photo: Fred Goudon.

C'est un cours du soir en Grande-Bretagne. Des adultes apprennent le français dans une classe de débutants. La prof explique cette chose incroyable: en francophonie, on divise les objets entre féminin et masculin. House par exemple est du genre féminin: la maison. Et pour les ébahir encore plus, en allemand c'est neutre: das Haus. Les élèves jouent à deviner. Barbe, sein, chemise -- où est la logique? Et computer, féminin ou masculin? Au lieu de répondre, la prof divise la classe en deux groupes: les femmes d'un côté, les hommes de l'autre, en leur demandant de se mettre d'accord sur quatre raisons selon lesquelles l'ordi devrait être féminin ou masculin.

Copier-coller: les Vénézuéliens
Pedro et Ramon. Photo:Thomas Synnamon.

Le groupe des mecs décide que computer devrait être "la ordinateur" en français. Parce que:
-- pers
onne à part l'inventeur ne comprend la logique des ordinateurs,
-- le langage que les ordi utilisent pour communiquer entre elles est incomp
réhensible,
-- même la plus petite erreur de manipulation est enregistrée dans l
a mémoire à long terme et peut se retourner contre vous,
-- dès que vous vous décidez pour une ordi, vous dépensez la moitié de
votre salaire dans des accessoires.

Copier-coller. Carl et Greg: oui,
c'est ce que vous vouliez vérifier.

Le groupe des femmes arrive à la conclusion inverse, "le ordinateur" est masculin, c'est sûr, car:
-- avant de pouvoir entreprendre quoi que ce soit avec le ordinateur, vous devez l'allumer,
-- l'ordi est bourré de données et pourtant n'arrive pas à penser par lui-même,
-- il devrait vous aider à résoudre des tas de problèmes, mais c'est souvent lui le problème,
-- dès que vous avez jeté votre dévolu sur un ordi, vous vous rendez compte
qu'en attendant quelques semaines de plus, vous auriez pu vous procurer un modèle plus excitant.

Les femmes ont toujours raison.

Ulysse

samedi 21 novembre 2009

L'accélérateur de testicules réactivé après des mois de pannes


C'
était le doigt de Dieu pour rappeler les chercheurs du CERN à plus d'humilité: après 14 mois de panne et de miettes de pain, l'accélérateur de particules a été relancé à la frontière franco-suisse. En foute
aussi, l'accélérateur de testicules a été réactivé ces jours derniers au Nigeria pour les Suisses, en Égypte et au Soudan pour les Algériens et en Irlande pour... Car, à l'insu de son plein gré, la France a envoyé une équipe de handball affronter l'équipe de foute d'Irlande. Et tous ceux qui se piquent de sport ou de politique ne parlent plus que de la main de Dieu.

N'y comprenant rien, je cède le clavier à beru_von_88 qui s'exprime en ligne dans Le bar des sports de Libé. "Un joueur fait une main, ne prend même pas la peine de dire à l'arbitre qu'il a merdu (il a peut-être pas fait exprès, mais merde! il y a des limites), parce qu'il a quand même bien merdu quand même le gonze, fait vaguement mine de s'excuser ensuite et surtout bien après le match puisqu'il sait bien que ça ne changera rien à rien, parce que l'arbitre n'a rien vu. [...] Mais pire encore: un joueur, français, plusieurs fois capé, qui dis, bonhomme, rigolard même, que le foot c'est ça, c'est être plus filou que les autres... À ce jeu, l'italien qui a fait sortir de ses gonds Zizou a donc eu bien raison de se comporter en fils de p... maman travaille. [...] Vous le dites si je suis psychorigide. [...] Et leur entraineur! Ah! leur entraineur! "euh... vous nous gâchez la fête!". Ou comment couvrir les conneries de ses joueurs en ne comprenant même pas qu'il y a quand même l'éthique du sport qui s'en ai pris un bien costaud dans les roustons! Nan, pour lui, c'est normal..."
L'arbitre était occupé ailleurs.
"Dans le genre inaceptable aussi un truc bien, bien con: une équipe gagne, super! content pour eux! youpi! Sauf qu'en fait non, pas youpi. Parce qu'avant l'équipe s'est fait littéralement caillassée (...c'est encore du sport...), et qu'ensuite les supporters (de l'équipe victorieuse donc) font les cons et s'adonne aux pillages... [...] Questions à deux balles: 1) -- si le coup de la main était au détriment des français, que se serait-il passé? (chapeau aux Irlandais d'ailleurs! amers mais dignes!) 2) -- si l'équipe d'Algérie avait perdue (ce qui somme toute peut aussi arriver), que se serait-il passé? -- Et le pire (si y a pire...), le pire donc, ce sont le lendemain les conversations de bistrot... et l'avis de Finkielkraut. À devenir un passionné du curling, juste histoire d'échapper à cette bêtise crasse."
L'Algérie ira en Afrique du Sud.
Barbara Ehrenreich, l'activiste du changement social, écrit que la plupart des gens aujourd'hui recherchent l'extase collective non plus à l'église ou dans un concert, mais autour des stades. Les évènements sportifs nous donnent la possibilité d'exprimer nos émotions sans limite, ce qui n'est pas possible ailleurs. Les fêtes que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs organisaient après une campagne de chasse se déroulent aujourd'hui à l'issue de matchs où "on a gagné!". Là, les spectateurs se lâchent et laissent libre cours aux énergies sauvages qu'ils pourraient dépenser dans des activités réelles -- le bricolage, le jardinage, la pêche, la chasse ou un vrai sport...

Ulysse

jeudi 19 novembre 2009

De l'île de la tentation jusqu'au chemin de pureté... et retour


L
a vie d'un mâle bien burné est un exercice de trapèze entre la pureté et la tentation. Dans ce blogue, désormais, on ne verra plus les bomecs que j'allais pêcher sur le net pour attirer des lecteurs. Une petite voix m'accusait: tu passes ta vie à écumer les sites érotiques et tu ne blogues plus que d'une main!
Des corn flakes pour étouffer la libido.
Mais "où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé" (Rom. 5.20): le net est comme l'hôpital, on y chope d'horribles maladies et, parfois, on y trouve aussi la guérison. Un site m'a sauvé de la tentation pornographique. Covenant Eyes [C.E.] me permet de déléguer le contrôle de mes surfs à des personnes responsables, selon qu'il est écrit: "J'avais fait un pacte avec mes yeux, au point de ne fixer aucune vierge" (Job 31.1). Dorénavant, un logiciel de C.E. enregistre l'adresse de tout ce que je consulte sur le net et envoie un relevé aux personnes de grande qualité morale que j'ai sélectionnées. Elles me passent un savon si j'ai fauté.

J'ai
découvert que mon vice n'était ni original ni solitaire! C.E. affirme que plus de 70 pour 100 des mecs succombent au porno. Chez les femmes, c'est 21 pour 100. (Si vous n'aviez pas compris pourquoi le couple est en crise...) Je verse $ 7.99 par mois à C.E., encouragé par les témoignages spontanés de clients satisfaits. "Je suis un homme de 61 ans. J'ai donné mon coeur à Jésus dans mon enfance. Mais cela faisait plus de 50 ans que j'étais esclave de la pornographie..." "C.E. a non seulement sauvé mon mariage, il m'a réhabilité en tant qu'homme." "J'ai retrouvé la confiance en mon mari: il a installé C.E. sur notre ordinateur." "La plupart des gars de notre groupe de soutien sont en bonne voie de guérison, excepté certains qui utilisent des logiciels de contrôle gratuits."
"J'ai avoué à ma femme que je suis accro au porno..."
L
e logiciel de C.E. me
fout la honte chaque fois que je retombe. Et il me fait gagner des dizaines d'heures chaque semaine puisque j'ai renoncé aux sites coquins. Donc il soigne ma surdité... Je passe néanmoins du temps sur l'internet à lire des journaux et des documents pour approvisionner ce blogue. Alors, les relevés que reçoivent mes directeurs de conscience sont considérables. L'un d'eux s'est vengé en me faisant livrer ses propres listes de surf: la-croix.com; jeunes-vierges-en-folie.com; garcon.desobeissant.com; fessee.blogspot.com; amours-cuisantes.net; vatican.net, etc. J'en fais des cauchemars.
"Alors que Rome brûle": comme les politiciens suisses,
Néron médite sur la suite à donner à sa carrière.

Cela me donne une idée. Je vais adopter de nouveaux contrôleurs: nos politiciens les plus bouffons et toquards. Je choisirai mes lectures en fonction de leurs obsessions-- la phobie de l'Union européenne; le culte des Valeurs chrétiennes, du nucléaire et du matériel de guerre; leur hantise de se faire pénétrer par un minaret; le mépris que leur inspirent les minorités de tous poils... J'irai jusqu'à sacrifier ma vertu retrouvée en surfant sur une flopée de sites X. Afin qu'ils s'y noient corps et âme.

Ulysse

samedi 14 novembre 2009

Les hommes en noir de Jérusalem


P
lus d'un millier de manifestants ultra-orthodoxes ont protesté aujourd'hui, dans les rues de Jérusalem, contre Intel qu'ils accusent de ne pas respecter le jour du r
epos en faisant tourner son usine de microprocesseurs sept jours sur sept en Israël. Quelques excités ont même attaqué les journalistes présents à coups de pierres et de crachats... La tradition interdit toute activité durant le shabbat (même la préparation des repas); allumer la lumière si l'on a oublié de le faire avant le coucher du soleil vendredi est un péché, il faut demander ce geste à une personne non-croyante...
L'apprenti et son patron boucher
dans Eyes Wide Open.
Les hommes en noir que l'on voit dans le film Eyes Wide Open [texte précédent] sont très actifs à Jérusalem. Depuis des mois, ils descendent dans la rue pour combattre une autre violation de la tradition: l'ouverture d'un nouveau parking également le jour du shabbat. Ils caillassent la police en criant "Nazis!", mettent le feu aux poubelles et bloquent les rues. Ces extrémistes profitent de la faiblesse des autorités pour étendre leur pouvoir, non seulement sur les consciences comme dans le film, mais sur le social et le politique.

D'autres excités, l
es kahanistes, sont également en conflit avec l'État. Le mois dernier, la police a interpelé l'un d'entre eux à Jérusalem. Il collait des affiches de soutien à l'agresseur (encore inconnu) qui a tué deux personnes et en a blessé quinze autres dans un lieu gay de Tel Aviv. Durant son interrogatoire, l'homme (un colon américano-israélien, père de quatre enfants) a avoué être l'auteur de deux meurtres et de plusieurs attentats à la bombe. Il avait tué deux Palestiniens en 1997 et posé des bombes près d'un monastère, chez un intellectuel de gauche et une famille de juifs messianiques, enfin contre des commissariats ainsi que des voitures de police, lors d'une gay pride, parce que les forces de l'ordre protégeaient les participants violemment pris à parti par des ultra-orthodoxes. Les kahanistes veulent instaurer une théocratie en Israël.
Au festival de Cannes: les acteurs entourant
leur metteur en scène. (Sauf erreur, trois hétéros, bravo!)

Ces ultras vivent en contradiction avec les préceptes de leur "foi". Dans le film, le rabbin qui enseigne le Talmud déclare: "Dieu [l'Innommable] ne veut pas que l'homme s'inflige des peines. Il veut qu'il jouisse de la vie. Celui qui a succombé au péché ne doit nullement désespérer car Dieu lui offrira une nouvelle épreuve. Quand il la surmontera, même son échec passé comptera pour un mérite." Un superbe panoramique sur les têtes des hommes en noir, y compris le boucher et son amant apprenti, accompagne cette tirade dans la salle d'étude et de prière. Le spectateur ressent l'affection qui unit ces hommes; un lien plus chaleureux que leur relation aux épouses, car l'impureté (les règles) les oblige régulièrement à faire lit à part. Mais, lorsque la rumeur d'homosexualité s'insinue dans le cercle, l'amour viril et fraternel se transforme en haine mortelle.

Ulysse

mercredi 11 novembre 2009

La souffrance des mecs face à la religion


L
es films israéliens qui parviennent jusqu'à nous frappent par leur liberté de ton, leur capacité de traiter les problèmes de société par le biais d'une vie privée, en donnant au spectateur la possibilité de s'identifier, même s'il nourrit des préjugés contre ce pays en pleine crise d'adolescence prolongée. Hier j'ai vu The Bubble d'Eytan Fox [séance de rattrapage, j'y reviendrai] et aujourd'hui Tu n'aimeras point [traduction
stupide pour Eyes Wide Open].

Eyes Wide Open (= Les Yeux grands ouverts), premier long métrage de Haïm Tabakman, raconte quelques semaines de la vie d'Aaron Fleischmann [l'homme de la chair ou de la viande -- nomen est omen...] qui vient de reprendre la boucherie casher de son père dans le quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem. Pour le seconder il engage Ezri, jeune étudiant talmudique, et le loge dans le magasin. La méfiance entre eux fait bientôt place à la curiosité, à l'affection, au désir... Aaron, homme très pieux, bon époux et père, déclare à Ezri qui s'approche pour l'embrasser: "Retiens-toi! Nous avons la capacité de nous élever; de remplir notre mission dans ce monde. Cette épreuve ne nous serait pas envoyée si nous ne pouvions pas la surmonter." Car c'est dans la nature de Dieu d'offrir des exercices spirituels... Sauf que la chair est plus forte... Lorsqu'Aaron est mis au pied du mur par ses coréligionaires menaçants et son rabbin, il reconnaît la puissance de l'amour: "J'étais mort, maintenant je revis." Et dans un moment de vérité empreint de délicatesse envers son épouse, il admet sa faiblesse, en silence.

Le réalisateur décrit le milieu religieux avec respect et lucidité -- et c'est fascinant. Il en fait de même pour l'amour qui brûle ces deux hommes et les vivifie, que
ce soit dans la chambre froide de la boucherie, lors d'un bain purificateur en plein air, ou au lit. Nous passons subtilement d'un monde à l'autre; ils sont irréconciliables pour les juifs orthodoxes... Haïm Tabakman place le spectateur à la croisée du "pur" et de "l'impur". A chacun de décider où ces éléments se situent. Le film est clair à ce sujet: la liberté de choisir est lourde de conséquences. Et la dernière image me laisse... le bec dans l'eau.

Je suis non-croyant; je respecte la foi des gens qui me respectent. Je pense que l'appartenance à un système religieux ou éthique fait partie des besoins humains de base. [Et me demande ce qui conduit beaucoup d'athées à dénigrer la foi; ce doit être une fixation sur un démêlé ancien, non résolu... Une rigidité que je m'efforce de désarmer en moi.] J'ai connu des hommes mariés (et/ou religieux) amoureux, j'ai vu leur désir, leur souffrance et leur difficulté à envisager leur existence les yeux grands ouverts face à l'inconciliable (selon eux): la famille hétéro (et/ou la foi) d'une part, leur homosexualité de l'autre. Ce film éclaire le dilemme de manière magistrale et poignante.

Ulysse

samedi 7 novembre 2009

"Tatoués sous le feu": des soldats américains racontent...




Lorsqu'ils entraient dans l'arène romaine, les gladiateurs s'exclamaient: "Ave Caesar, morituri te salutant, (Bonjour à toi Empereur, ceux qui s'apprêtent à mourir te saluent!)". La tuerie perpétrée cette semaine à Fort Hood (Texas), la plus grande base militaire américaine (65'000 personnes), a laissé 13 morts et 30 blessés sur le carreau. L'auteur, un major de l'armée, accumule les mauvais karmas: 1) fils de parents immigrés de Palestine, 2) citoyen américain, 3) citoyen américain musulman, 4) psychiatre militaire, 5) en partance pour l'Irak ou l'Afghanistan. Dans la ville de Killeen (sic!), proche de la base, il avait acheté un FN 5.7 et des munitions capables de transpercer les gilets pare-balles.

A partir de demain, des stations de TV américaines vont diffuse
r "Tattooed Under Fire" (Tatoués sous le feu) un documentaire tourné à Killeen en 2005. Il a été réalisé par une cinéaste britannique dans un salon de tatouage dont les clients sont des soldats en partance pour l'Irak, ou entre deux déploiements. J'ai vu quelques segments de ce reportage. C'est saisissant, hallucinant de voir et écouter ces types de 19 à 23 ans, marqués par la fatalité, par l'irréversibilité de leur engagement. La patronne du salon River City raconte: "Ils mettent leur coeur et leur âme dans ces tatouages; ils disent: c'est mon corps, c'est ma vie, c'est mon moyen d'expression... Vous savez: ces gamins sont terrifiés par la guerre." Un tatoueur paternel explique: "Ils viennent parce qu'ils ont besoin de parler... Ils transfèrent les problèmes qui les préoccupent sur leur peau, pour les sortir de leur tête." Un autre ajoute: "Ceux qui en sont revenus physiquement indemnes ont quand même de gros problèmes psychologiques dont personne ne se préoccupe. Personne. On les met à la rue et basta..."

Le tatouage d'Anthony: un sablier
au milieu de la tempête.

Anthony, infirmier, 22 ans, en partance pour l'Irak. "En uniforme, je dois être exactement comme tous les autres. Alors, le tatouage est une manière d'exprimer ma singularité." Travis explique: "J'avais fait une connerie, on m'a donné le choix: soit la prison, soit la guerre; j'ai choisi la guerre." Sur son biceps, il a fait tatouer un fétus dans un mixer qui le réduira en purée: "Et j'imagine que cela pourrait m'arriver". Josh, avant son deuxième déploiement: "Les charges glorieuses que vous voyez dans les films, et toutes ces conneries, c'est pas ça... Deux de mes copains ont été grillés au fond de leur blindé. Comme fondus dans la structure du char. Vous regardez les nouvelles, on dit deux pauvres soldats ont été mortellement touchés. Mais un autre pauvre gars, qui les connaissait, a dû racler ce qui restait d'eux au fond du véhicule."

Charles (ci-contre), en partance, a fait tatouer ce constat sur son bras: "Les rats s'engraissent pendant que les braves soldats meurent". C'est l'expression de sa colère face aux grandes entreprises comme Haliburton [multinationale texane dont le vice-président Dick Cheney était président et actionnaire] qui se font du pognon avec la guerre pendant que les hommes de la troupe se font tuer.

Ulysse -- Photos: Ave Bonar.

jeudi 5 novembre 2009

Le mariage gay prend une autre raclée: faut changer de tactique!


U
n peu plus de la moitié des votants, mardi dans l'État du Maine, a approuvé l'initiative lancée
par des groupes religieux visant à invalider la loi (de mai 2009) permettant aux couples de même sexe d'accéder au mariage civil. Les centaines de milliers de dollars versés par de généreux donateurs pour financer la campagne contre le "mariage gay" ont donc atteint leur but. "C'est Dieu qui nous a offert cette victoire", a rappelé l'un des pasteurs militants. (In Go(l)d We Trust figure sur les billets de banque de ce merveilleux pays.) Le directeur de la campagne est satisfait: "L'institution du mariage a été sauvegardée".

Peut-il m'expliquer comment mon mariage (éventuel) dérangerait le sien? S'il préfère les hamburgers et moi les filets de canard, où est la concurrence? Pourtant, un peu plus de la moitié des votants, mardi, a décidé qu'il était de son devoir d'empêcher les femmes et les hommes homos du Maine de s'engager publiquement dans une relation d'amour si elles/ils le désirent. Comment se fait-il que les institutions qui incitent les citoyennes et citoyens à limiter les droits d'autrui -- en annexant Dieu dans leur assaut -- rencontrent autant d'audience? Il n'y a pas longtemps, Hitler écrivait: "J'agis en accord avec la volonté du Créateur Tout-Puissant" (Mein Kampf) et la boucle de ceinture de ses soldats portait: Gott mit uns (Dieu avec nous). Cet Hitler que les papys du Maine ont combattu...

L'institution du mariage se trouve au croisement de l'intime et du politique. Le mariage attribue un certain nombre de privilèges et de devoirs à des individus qui le souhaitent; il apporte une sorte d'homologation (oups!), il ratifie et reconnaît publiquement l'attachement qui lie deux adultes consentants. Un engagement à long terme (jusqu'à ce que le divorce nous sépare...) que la société a le devoir de soutenir. D'où l'importance symbolique du mariage pour les lesbiennes et les gay: bénéficier des mêmes
droits, même si l'on n'a pas l'intention d'en user.

Ce foutu mariage se trouve aussi au croisement 1) de la mythologie (ils furent
heureux et... achetèrent deux bichons), 2) de la tradition (la longue domination de la femme par l'homme), 3) du questionnement sur la sexualité, sur le rapport à la monogamie et à la descendance... En fait, chers défenseurs de l'institution hétéro, vous êtes dans la panade et vous cherchez la diversion avec vos votations!

Au lieu de ne songer qu'à sa revendication, le mouvement gay ferait mieux d'agir globalement. Il est temps qu'ensemble nous explorions le terrain. Hétéros! vous avez
des choses à nous apprendre (que nous connaissons en partie, parce que la majorité d'entre nous a grandi dans un foyer tel que le vôtre...) et nous avons aussi nos expériences, nos interrogations à partager avec vous! Le problème, pour vous et nous, n'est pas d'inclure une catégorie marginale de mariage dans un système boiteux, mais d'apporter une nouvelle vie à cette institution. Qu'attendons-nous?
Photo de Manhattan Men
Ulysse

lundi 2 novembre 2009

La mort et l'amour des hommes





Hier matin je me suis réveillé alourdi d'automne et de deuil (alors que le 1er novembre me laisse indifférent), habité des souvenirs mêlés de deux hommes que j'ai aimés passionnément [ou passionnellement] et de l
'un de mes plus jeunes neveux, aussi beau qu'allumé. Ils ont quitté cette vie il y a plus ou moins longtemps, l'un en septembre, l'autre en octobre et le troisième en novembre... Pour honorer leur mémoire d'un "coeur tendre et mélancolique", j'ai retrouvé ces vers de Walt Whitman dans le recueil Leaves of Grass [Feuilles d'Herbe] publié à Boston entre 1855 et 1881. Poète de la camaraderie virile, Whitman a imaginé, fantasmé, une convergence entre le pur amour des hommes (celui qu'il a exalté, mais jamais nommé) et la démocratie la plus noble (pas celle "matérialiste et vulgaire" de son pays natal). Extrait de Scented Herbage of my Breast.


Senteur d'herbage de mon torse,

Je recueille tes feuilles et j'écris ce qu'on lira mieux plus tard,
Feuilles-tombes, feuilles-corps qui poussez sur moi, par-dessus la mort, [.
..]
Année après année vous resplendirez, surgissant
à nouveau d'où vous aviez dormi;
Oh j'ignore si beaucoup de passants vous dénicheront
ou respireront votre discrète odeur, quelques-uns je crois le feront;
Oh modestes feuilles! oh floraison de mon sang! racontez je vous prie le coeur que vous dominez, [...]
Vous êtes plus amères souvent que je ne le puis supporter, vous me brûlez et me blessez,
Pourtant vous me faites voir la beauté de vos racines finement teintées, vous m'évoquez la mort,
A vous regarder, la mort est belle (qu'est qui est beau finalement à part la mort et l'amour?)
Mon chant des amants, ce n'est point pour la vie, mais bien pour la mort que je le chante, me semble-t-il,
Qu'il est calme et combien solennel en s'élevant jusqu'à la compagnie des aimés,
Aussi, peu m'importe la mort ou la vie, mon âme refuse de choisir [...].

Traduction libre d'Ulysse.